Belinda releva la tête et c'est à ce moment précis qu'elle l'aperçut encore, un sourire aux lèvres en sa direction. Ce jeune homme l'avait observée toute la journée, à chaque recoin de couloir, à chaque heure de cours. Et on pouvait dire que ce petit jeu pourtant anodin ne dérangeait en rien la jeune femme.
Ce n'est que dans le train qu'elle prenait depuis à peine deux jours, soit depuis sa première rentrée en première dans ce tout nouveau lycée (mais tout de même encore dans les environs de Barcelone), qu'elle s'étonna à nouveau de sa surprenante présence. Pile en face d'elle, de façon à ce qu'elle ne le rate pas, bien évidemment.
C'est également ce jour-là que son chewing-gum avait décidé de lui faire la pire des crasses. Après une journée où tout s'était "normalement" déroulé, elle avait besoin de mâcher ce petit aliment, telle une manière de se détendre. Et puis il ne restait vraiment qu'eux dans l'habitacle, alors cela ne dérangerait point. Elle se saisit donc du dernier présent dans son paquet et le mit en boucha prestement. Cinq bonnes minutes plus tard, elle fit exploser une première bulle plus que réussie, du moins beaucoup plus que la seconde. Car cette dernière lui explosa sur plus de la moitié du visage. La jeune femme se détourna en écarquillant les yeux et ôta une bonne partie du rose collant positionné sur le bout de son nez. Elle maîtrisait à peu près la situation. Une maîtrise manifestement peu convaincante pour le jeune homme qui éclata d'un rire moqueur, accueilli par un regard noir de Belinda.
“Ta discrétion est si... flagrante, c'est le mot, je n'ai pas pu m'en empêcher.” Devant la teinte écarlate que prenait le visage de son interlocutrice il se rattrapa avec un sourire charmeur et haussa un sourcil.
“Ne soit pas gênée, tout le monde a droit de ne pas savoir faire éclater une bulle de chewing-gum correctement. Mais il faut essayer d'être un minimum plus discrète en souhaitent s'en débarrasser, conseil d'ami.” Le coeur de la demoiselle s'emballa à l'écoute de ce dernier mot et elle tenta de l’atténuer en secouant la tête.
“J'y tâcherai, merci.” “Pour oublier cet instant humiliant”, il se racla la gorge pour ne pas rire de nouveau,
“je te propose un marché : viens t'asseoir à mes côtés dès maintenant et ce jusqu'à la fin de l'année et je te laisse en paix.” Belinda voulut répliquer mais il ne lui en laissa pas le temps.
“C'est cela ou tous les élèves de notre classe connaîtront ta maladresse extraordinaire avec de petites choses que nous dirons compromettantes en plus.” Il venait de surprendre la jeune femme au plus haut point.
“Du chantage ? Du chantage alors que je ne connais même pas ton prénom ? Que je te connais même pas...” “Andres” “Bien maintenant je...” “ Viens t'asseoir à mes côtés maintenant, aller.” Elle hésita un moment puis se leva sans plus rechigner.
“Des choses compromettantes, n'est-ce pas ?” “Oui, enfin, le fait que tu portes depuis l'âge de huit ans ce collier venant de ta grand-mère en est une par exemple.” “Mais je... Je... Depuis neuf ans d'abords. Comment sais-tu cela ?” “On me dit souvent médium, mais je ne suis pas du genre à me vanter, loin de là.” Il frotta ses ongles d'un geste vif le long de son manteau en cuir et souffla dessus ce qui fit sourire Belinda.
“Rien qui tienne la route en fin de compte.” “Exactement.” “Un chantage complètement raté je dirais même.” “Peut-être, mais tu es là.”Une rencontre des plus catastrophiques dont Andres se moquerait souvent par la suite.
Une assurance décapante, un sourire charmeur, une personnalité exceptionnelle. Voilà avec quels atouts Andres avait attiré Belinda dans ses filets. Une amourette d'adolescents qui se transforma rapidement en bien plus que cela. C'est trois ans après le lycée qu'ils décidèrent de leurs fiançailles, même si l'accord des parents de la belle n'était pas au rendez-vous. Belinda avait en quelques sortes trouvé prince charmant. Une relation si complice entre eux s'était dès le début installée, incomprise et idéalisée par beaucoup - dont eux-mêmes. Il était son Andres, elle était sa Belinda.
“Belinda je t'en prie calme-toi.” Il caressa une énième fois ses longs cheveux blonds, secoué par les sanglots violents de sa compagne.
“Comment... Comment veux-tu que je me calme ? Je ne peux même pas nous donner ce que nous voulons tous les deux...” Elle releva la tête vers lui.
“Je ne peux même pas te donner un enfant Andres, je...” Le jeune homme passa délicatement ses pousses sur la peau rougie de ses joues.
“Belinda, tu me donnes déjà tant, tu sais qu'il existe...” “Je le sais mais je voulais moi-même, je...” Il posa ses lèvres sur les siennes posément, pour faire cesser sa souffrance, pour faire cesser tout ce qu'il ne voulait pas voir, tout ce qu'il ne voulait pas ressentir chez cette femme, chez sa femme.
Belinda effleura le visage de l'enfant avec un doux sourire. Dans quelques mois, elle partirait avec Andres, là-bas, pour allait la chercher. Et la ramener. Elle replia ses jambes sur sa poitrine et posa la photographie le long de son visage. Elle était heureuse. Son rêve allait se réaliser, tout comme celui de son merveilleux époux. Plus rien ne lui semblait réellement compter depuis que leur dossier avait été accepté il y a de cela trois mois. Tout ce qu'elle attendait était l'accord de son mari pour pouvoir enfin faire les valises, chose qu'elle espérait faire d'une minute à l'autre.
La téléphone sonna brutalement ce qui lui arracha un sursaut. Elle reposa le cadre sur la petite table près d'elle et décrocha.
“Allo ?”“Mme Faletto ?” “Oui, c'est bien moi.” “Mme Faletto, je dois vous annoncer quelque chose qui n'est pas simple, asseyez-vous, je vous en prie.” La jeune femme s'exécuta lentement, les larmes lui montant aux yeux au fur et à mesure qu'elle reculait. [...]
“Toutes mes condoléances Mme Faletto, au revoir.” Belinda pressa l'épais bouton rouge et laissa tomber le combiner au sol dans un bruit sourd. Les larmes envahissaient son visage sauvagement comme trois ans auparavant. Mais tout était différent à présent. Elle se prit le visage entre les mains avant de relever le regard vers la photographie de la petite Lissandre. Cette gamine qu'elle ne verrait jamais, qu'
ils ne verraient jamais.
Andres n'était plus. Andres venait de partir. Emportant avec lui tout leurs rêves et leurs espoirs.
ALORS COMME ÇA ON VEUT FAIRE PARTIE DE CETTE INCROYABLE EXPÉRIENCE ? ∞
Quoi de mieux pour oublier ? C'est la principale raison pour laquelle Belinda a décidé de s'inscrire pour partir sur Earth Two. Pou oublier la disparition d'Andres.
Mais également car une pointe de curiosité l'habite, comme toute personne d'Earth One.MAIS PENSES-TU RÉELLEMENT POUVOIR APPORTER TA PIERRE À L'ÉDIFICE ? ∞
Belinda espère pouvoir le faire effectivement. On peut dire qu'elle fait partie des astrophysiciens réputés et peut donc apporter beaucoup.ET TON DOUBLE, TU L'AS DÉJÀ RENCONTRÉ ? ∞
Belinda n'a jamais rencontré son double.ET COHABITER AVEC CES DOUBLES QUI SE RENCONTRENT PLUS OU MOINS BIEN, CE N'EST PAS TROP DIFFICILE ? ∞
La jeune femme considère cela comme une expérience fascinante. Est-ce que cela se déroule comme des frères et soeurs, liés par une relation particulière ?MAIS AU FINAL, ON A TOUS QUELQUE CHOSE QU'ON AIMERAIT CHANGER, MÊME LES SCIENTIFIQUES ; ET POUR TOI, C'EST QUOI ? ∞
Tout. Belinda aimerait tout changer. Si elle le pouvait, elle aurait imposé à Andres sa présence partout où le jeune homme serait passé. Elle aurait fait tout son possible pour que rien ne lui arrive.- it's you, it's you, it's all for you: